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Antsa Nomenjanahary Rakotondrandriana
"Créer des passerelles"
Antsa Nomenjanahary Rakotondrandriana (ORCID 0000-0002-6890-9152) a fait ses études de médecine à la Faculté d’Antananarivo (Madagascar) et a enchaîné avec une spécialisation en santé publique. Particulièrement intéressée par la recherche clinique et l’épidémiologie, elle a rejoint, en 2021, le Département d’expérimentation clinique du Centre National d’Application de Recherches Pharmaceutiques (CNARP) en tant qu’investigateur d’études cliniques.
Valérie Bisson : Sauriez-vous décrire ce qui vous a amené à suivre des études scientifiques ?
Antsa Nomenjanahary Rakotondrandriana : Les études de médecine m’ont intéressées depuis ma plus tendre enfance. J’étais fascinée par la fonctionnalité du corps humain mais aussi par le soin. J’avais beaucoup d’attrait pour les sciences et j’avais déjà en moi l’idée d’améliorer tout ce qui est de l’ordre de la médecine.
Mon grand-père était médecin, il m’a beaucoup inspiré. Le soin a toujours été un de mes soucis premiers. Quand on me demandait, petite fille, ce que je voulais faire comme métier, je répondais : Je veux être docteur !
V B : Que dirait de vous cette petite fille aujourd’hui en vous voyant exercer votre métier ?
A N R : Sans doute serait-elle fière ou impressionnée mais elle serait surtout très touchée. Je suis entrée en faculté de médecine parce que j’adorais l’idée de pouvoir agir contre la souffrance des individus, avoir ce pouvoir de soulager, par une piqûre et aussi avec des gestes et des mots. Je viens d’une famille où règne le sens du partage, la gentillesse, l’envie de faire le bien ; prendre soin de quelqu’un était dans mon ADN en quelque sorte… J’ai exploité et développé ce trait de caractère jusqu’à la dimension collective de la santé publique. Avoir un impact réel sur le bien-être commun était vraiment important pour moi. C’est pour cela que j’ai rejoint le CNARP.
V B : Quelle est votre définition du soin ?
A N R : La médecine engage, avant toute autre chose, un acte technique. Pour moi, ce geste doit s’accompagner du contact; écouter, parler, entrer en communication avec empathie sont part intégrante du soin. Suturer, soigner demande aussi de la réassurance. Le soin est à la fois un acte médical et un acte d’humanité.
V B : Est-ce que la transmission fait partie de de vos prérogatives ?
A N R : C’est une très bonne question ; quand on aime quelque chose, on souhaite transmettre sa passion aux autres. J’ai enseigné la médecine à l’Université de Fianarantsoa, et j’ai aimé ce parcours. Aujourd’hui au CNARP, j’ai désormais des stagiaires intéressés par la médecine, ils me demandent conseil. La transmission des connaissances et des compétences est essentielle. Travailler en santé publique implique une vision collective et une diffusion à grande échelle. Et je continue à soigner et à prescrire aux personnels du CNARP.
V B : Vous êtes passée de la santé publique à la recherche clinique pourriez-vous nous expliquer comment s’est fait ce glissement ?
A N R : Après ma spécialisation en santé publique, j’ai été embauchée par le CNARP comme médecin et comme chercheur. Quand on est médecin, on s’intéresse déjà à la recherche, il y a toujours des innovations. En ce qui me concerne, je voulais pouvoir prendre soin de plusieurs personnes à la fois pour faire de la prévention et traiter la collectivité, il fallait apprendre les fonctionnements et particularités de la santé publique et aussi ceux de la recherche, ils sont inséparables. Ce n’est pas exactement un glissement pour moi, c’est un ensemble.
V B : Comment avez-vous rejoint le projet IMPRIMA?
A N R : Le projet IMPRIMA est un projet international ambitieux porté par plusieurs organisations dont le CNARP ; c’est aussi un projet qui fait sens puisqu’à Madagascar beaucoup de
personnes sont touchées par le paludisme. En tant que médecin-chercheur au CNARP, j’ai été choisie pour ce projet et je m’y investis à 100%. La dimension administrative est très lourde et je prends cette part comme un défi. L’élaboration des documents de l’étude clinique est un challenge collaboratif qui nous permet de renouveler nos connaissances sur les bonnes pratiques cliniques, nous apprenons beaucoup des usages des autres pays. IMPRIMA est une formidable opportunité pour élargir notre impact et aller de l’avant.
V B : Pourriez-vous citer quelques mots qui définiraient votre vision de la recherche ?
A N R : L’apprentissage approfondi de la médecine a été une vocation et apprendre de nouvelles choses également. L’innovation scientifique est un élan et la recherche clinique est une véritable passerelle entre les données chiffrées qui peuvent sembler abstraites et le patient impaludé souffrant sur son lit qu’on ne peut pas traiter sans avoir des connaissances particulières à cette personne. J’aime cette idée de passerelle entre une vision microscopique qui est celle de la recherche et une vision macroscopique qui est celle de l’humain, humain au sens large dans le sens où nous œuvrons pour le collectif.
Propos recueillis par Valérie Bisson et Jackie Andriarison le 24 septembre 2025.